Soulas surréaliste

Par Roger SECRETAIN
Extraits d'un texte paru en 1958 dans "Hommage à L-J Soulas"

"Soulas s'était quelque peu imprégné de surréalisme. Vers 1930, il pastichait visiblement : "Le parleur bénévole qui grava en un jour toute la première partie de la chaise à malice, y compris le moulin et sa moustache d'herbes pensive, et toute la devise filetée des grands crus-ammoniaque, serait le dernier à contredire, par des appels blessants en forêt de Rambouillet, le singe qui parle au nom de ce à quoi on ose penser, car j'ai ouï dire qu'il avait de belles oreilles, yeux noirs pétillants et barbiche transversale..."

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Il avait sûrement lu Lautréamont, Jarry et quelques autres. Soulas, encore une fois, ne prétendait pas à la littérature. Mais il savait, comme nous savions tous, qu'il possédait une étrange et authentique puissance, alors même qu'elle n'eût pas jailli dans la volcanique originalité de son verbe. Ses goûts littéraires, dont il ne faisait jamais étalage, s'appliquant au contraire - c'était par plaisanterie encore, mais aussi une prose - à camoufler l'homme cultivé sous l'écorce du paysan, il était facile de les discerner. Ils allaient vers l'imaginaire, le fantastique, les formes ésotériques. Pas du tout vers le naturalisme, alors que cet artiste interprétait si fidèlement la nature. Curieuse ambivalence. Sa peinture, ses gouaches, sans trahir pour autant les déchaînements de son moi surréel, démentent ce que ses burins offrent et confirment de sobriété, de simplicité classique, de sagesse, de pureté. Mais ses burins eux-mêmes, en se dépouillant, obéissaient à la recherche passionnée d'un absolu où l'esthétique aigüe du graphisme était plus importante que l'apparente fidélité au paysage..."



Ci-dessus, bois en couleurs gravé par L-J Soulas pour L'Autoclète d'Alfred Jarry,
d'après une gouache originale de Pierre Guastalla inspirée d'une gravure d'Alfred Jarry