La Jeune Gravure Contemporaine

La Jeune Gravure Contemporaine fut fondée en 1928 par un groupe de douze jeunes graveurs : Amédée De La Patellière, décédé en 1932 des suites de blessures de guerre, et (par ordre alphabétique) Yves Alix, Gérard Cochet, Etienne Cournault, Anthony Gross, Pierre Guastalla, Joseph Hecht, André Jacquemin, Léon Lang, Robert Lotiron, Melle Mily Possoz et Louis Joseph Soulas.


Pierre Guastalla, peintre-graveur, en fut l'un des présidents :

"Aussi loin qu'il m'en souvienne, l'un de mes premiers contacts avec L-J Soulas eut lieu dans un des ateliers de la Banque de France, où l'on grave les billets... C'est là que je situe notre première rencontre et le début de notre longue et profonde amitié.

Vers la même époque, autour d'une presse de taille douce, André Jacquemin, Léon Lang et moi-même tirions nos premières épreuves. L-J Soulas nous aidait de ses conseils. Et tout naturellement, lorsqu'en 1928 nous adjoignîmes à une exposition de peinture à la Galerie Drouant, rue de Rennes, une salle de gravures, embryon et première exposition de la "Jeune Gravure Contemporaine" ; lorsqu'ensuite à la Galerie Marcel Guiot, à plusieurs reprises à la Galerie Druet, ou plus tard à la Galerie Le Garrec et au Musée National d'Art Moderne, notre groupe organisa ses expositions régulières, L-J Soulas fut des nôtres, fondamentalement.

Nous étions tous vraiment jeunes alors ; pleins d'enthousiasme naturellement, mais déjà marqués dans nos préférences esthétiques et techniques : Jacquemin aimait la Lorraine et ses paysages, Léon Lang les fleurs, et L-J Soulas les villages, les champs et les meules.

Et dès cette époque se dessina sa double vocation : celle d'un buriniste amoureux du graphisme, de la forme pure, déliée, écriture nette et sans rature, dessin d'une réelle grandeur et d'une pureté raffinée ; et celle d'un amoureux de sa Beauce natale, des champs, des arbres, des meules, des javelles, de la lumière douce de la Loire. "Je suis un paysan", se plaisait-il à dire et à répéter, tout au long de sa vie. Il entendait par là, je crois, et avec une certaine fierté, qu'il n'acceptait aucune compromission, aucun intermédiaire entre son amour de la terre, des champs, de leur vie, et son expression graphique propre, orientée par son coeur seulement, l'expression la plus simple et la plus directe de ce qu'il aimait...

L'on ne dira jamais assez le prestige de Soulas aux yeux de tous ses camarades, l'estime qu'ils ont de son oeuvre et de la pureté de celle-ci ; également, au cours de nos expositions répétées, le nombre considérable de visiteurs de tous milieux, de toutes conditions sociales, érudits ou ignorants, qui furent accessibles à l'oeuvre de Soulas, aussi bien à sa technique qu'à son expression, et qui désormais ne pourrons plus voir la Beauce que sous la forme éternelle que Soulas lui a choisie.

Dans toutes nos manifestations, à Genève, à Londres, à Amsterdam, à Copenhague, à Vienne ou à Montevideo, la leçon de Soulas a porté ses fruits. Car le goût de la nature est de tous les pays, le goût des champs, du ciel et du vent, l'amour de la nature résumé par quelques beaux graphismes, dans cette lumière argentée de la Loire que Soulas a transportée avec lui aux quatre coins du monde.

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L'Arbre
et l'ombre
Burin
1943


Et en même temps que les années passaient, Soulas dépouillait de plus en plus l'inutile, réduisait encore les valeurs aux quelques seules indications indispensables, diminuait les surfaces couvertes, rendait les tracés essentiels. Il a gravé d'admirables planches en Espagne, en Normandie ; mais l'on revient toujours à ses images de Beauce, à ces grands paysages horizontaux, habités par quelques nuages qui se poursuivent, longue, longue ligne d'horizon où rien n'arrête le regard que quelques fermes, quelques meules, parfois une charette...

Et si le but suprême de l'art est de s'exprimer, de faire passer dans une oeuvre, de l'intérieur à l'extérieur et par des moyens seulement plastiques, quelque chose que l'on porte dans son coeur, L-J Soulas y a pleinement réussi."